Levez la main celui ou celle qui n’a jamais essayé, par curiosité ou par désespoir de voir le cheval se connecter à soi, « le jeu » de chasser celui-ci dans un rond de longe ou bien encore dans un manège, dans le but que le cheval veule bien connecter avec nous et désire rester à nos côtés. Cette attitude somme toute assez prédatrice appliquée à un animal de proie ne serait pas aussi inoffensive qu’elle en a l’air au premier abord.
En effet, cette approche, si mal comprise/appliquée, c'est-à-dire, avec manque d'intuition, de compassion et d'excellent timing, comporte son lot de dommages collatéraux… Et pour la relation/connexion entre humain et cheval, et bien, on repassera…
Une bonne intention
C'est Monty Roberts, un « chuchoteur américain » qui, ayant vu son père maltraiter des chevaux par la méthode du « Sacking out », a institué une nouvelle approche, celle du Join-Up afin de débourrer les chevaux. Cause honorable!
Pour ceux et celles qui ne la connaisse pas, cette approche consiste en gros à chasser le cheval dans un round-pen au galop tout en prêtant très attention aux moindres comportements du cheval chassé et en réagissant selon ces comportements. L'objectif est de rendre l'abord de l'humain confortable et le reste du roudn-pen, inconfortable. Ainsi, le cheval est conditionné à rester à nos côtés, calme et soumis, sinon il sera chassé à toute allure dans le rond de longe.
Sans entrer plus dans les détails de cette méthode ici, méthode qui a quand même fait ses preuves pour débourrer rapidement les chevaux - M. Roberts ayant travaillé auprès de nombreux chevaux sauvages entre autres - on peut toutefois affirmer qu'il peut y avoir quelques dommages collatéraux qui peuvent découler de la mauvaise application de cette méthode. Pourquoi? Premièrement, M. Roberts est un maître dans l'observation du cheval et du timing du bon geste à faire au bon moment... Ce qui est plus ou moins le cas de monsieur et madame Tout le monde qui se lance à l’improviste dans cette méthode, avec souvent pour but premier de gagner du temps et une « connexion »... Ce qui provoque de l'incompréhension de la part des chevaux et surtout, des accidents (par exemple : chevaux qui défoncent ou sautent la clôture par trop de pression), le timing étant souvent absent, déficient ou inconstant. Toutes sortes de méthodes plus ou moins éthiques en sont dérivées aujourd’hui.
Renforcement négatif ou punition positive?
La première chose qu’il faut souligner par rapport à cette méthode, c’est que tout aversif appliqué sans discernement et sans excellent timing devient en fait de la punition positive. Pour Zeitler-Feicht (2012), « la punition positive est l’ajout d’un stimulus déplaisant lorsque le cheval commet quelque chose de non désirable »[1]. Cela remet donc en cause le bien-être animal du cheval pendant cet exercice… Aucune observation faite sur des chevaux sauvages ne confirme que les chevaux se pourchassent aussi longtemps entre eux… Par exemple, Warren-Smith et McGreevy (2008) ont plutôt observé que les juments en groupe semi-féraux passent à peu près 0,73 % de leur temps à pourchasser les jeunes…[2] On est donc loin de ce chiffre évidemment, si on veut comparer le Join-Up à ce que les chevaux font de manière naturelle, entre eux.
Hors du round-pen, point de salut; la relation ne peut être forcée...
Parlons « relations » maintenant. On désire tous et toutes un cheval qui a la motivation première de demeurer à nos côtés sans être forcé de l’être, et qui semble apprécier plus que tout notre présence, et ce, le plus rapidement possible! Les réseaux sociaux regorgent d’humains souriants et épanouis et de chevaux semblant galoper ensemble en parfaite harmonie, ou encore de jeunes filles qui jouent sur la plage en liberté avec leurs équidés, tous crins au vent… C’est le rêve secret et ultime de bien des gens…
Côté plus terre à terre maintenant, Kruger, un chercheur en éthologie et son équipe, voulait savoir si le Join-Up favorisait cette approche, où un lien entre la personne et son humain est tellement fort qu’ils sont capables de travailler en liberté dans un grand pré ou tout endroit en dehors du round-pen. Ils ont donc étudié « l’effet « Join-up » sur la relation humain-cheval[3]. Ils en ont conclu que, même si dans le round-pen, le cheval semblait connecté à l’humain, ce « simili » lien n’existait plus hors du round-pen… Ce qui porte à croire, qu’en effet, cela n’améliore en rien votre relation avec votre cheval. Donc, tout dépendamment de ce que vous recherchez, soyez vigilants!
Finalement, il n'y a ni « Pour » ni « Contre ». Je pense que cette approche, peut constituer un outil intéressant pour ceux et celles qui veulent l'expérimenter, en autant de travailler dans les règles de l'art (savoir reconnaître les moindres signaux du cheval, savoir relâcher au bon moment, ne jamais pousser le cheval à fond, se servir de son intuition...). Toutefois, il faut savoir que ce n'est pas l'exercice idéal pour obtenir une réelle relation de connexion avec votre cheval. Au mieux donc, vous faites faire de l’exercice à votre cheval et lui apprenez les transitions d'allures (etc.)
Cela porte à réfléchir! Je vous invite donc à questionner votre feeling lorsque quelqu’un vous recommandera cette technique. Le round-pen (comme le manège et autre espèce de travail) devrait être considéré par le cheval comme un lieu de bien-être et non un lieu de traumas.
[1] Zeitler-Feicht, M.H. 2012. Manuel du comportement du cheval : Origine, traitement et prévention des problèmes. (C. Lelong trad.). Paris, FR: Ulmer.
[2] Cassoret, M. 2017. Notes de cours. Éthologie équine. AZCA.
[3] Kruger, K. 2007. Behaviour of horses in the « Round Pen Technique ». Applied animal Behaviour Science. 104 :162-170.